Investir en obligations : acheter un bon du Trésor à 10 ans ?

Un chiffre seul peut bousculer des certitudes patiemment construites : le rendement d’un bon du Trésor à 10 ans dépasse aujourd’hui nettement la moyenne observée depuis dix ans. Cette embellie n’est pas tombée du ciel : elle s’explique par la remontée des taux directeurs orchestrée en zone euro. Pourtant, ce retour en grâce s’accompagne d’une volatilité accrue, testant la solidité de la réputation prudente de ces placements. Les investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, s’interrogent : le jeu en vaut-il encore la chandelle, face à un marché qui a changé de visage?

L’écart entre ce que rapportent les obligations et les actions s’est resserré. L’inflation, elle, ne lâche pas prise, poussant les épargnants à revoir leur stratégie. Choisir la bonne allocation n’a jamais été aussi complexe, dans un climat où chaque annonce de banque centrale redistribue les cartes.

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Comprendre les obligations : définition, types et rôle dans l’économie

Impossible de parler d’investissement sans évoquer les obligations, pilier du marché obligataire. Lorsqu’un investisseur place son argent dans une obligation, il prête à une entité (État, entreprise, institution supranationale) qui s’engage à verser des intérêts réguliers et à rembourser le montant initial à une date fixée à l’avance. À la différence d’un crédit classique, le particulier devient le banquier, et l’émetteur, son débiteur.

On distingue plusieurs grandes catégories d’obligations, chacune avec ses spécificités :

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  • Obligations d’État : en France, les OAT (obligations assimilables du Trésor), émises par l’Agence France Trésor, restent la référence. De l’autre côté de l’Atlantique, les Treasuries américains sont considérés comme la valeur la plus sûre du marché.
  • Obligations d’entreprises : plus rémunératrices mais exposées à un risque de défaut plus élevé.
  • Obligations supranationales : issues d’organismes tels que la Banque européenne d’investissement, elles financent souvent de grands projets d’infrastructure ou de développement.

Il existe deux façons d’acquérir ces titres : sur le marché primaire, lors de leur émission, ou sur le marché secondaire, où s’échangent quotidiennement des obligations déjà existantes, à des prix qui fluctuent selon les taux d’intérêt, la perception du risque et la liquidité.

En France, l’État s’appuie sur ces émissions pour financer le déficit public. Les grandes institutions financières, assureurs et fonds de pension dominent ce marché, mais les particuliers peuvent également y accéder via des fonds obligataires ou des ETF cotés, notamment sur Euronext.

Pourquoi ce succès durable ? Les obligations offrent une visibilité sur le rendement, une échéance connue, et une liquidité souvent supérieure à bien d’autres placements. C’est ce qui leur confère ce rôle central dans toute stratégie patrimoniale.

Bon du Trésor à 10 ans : pourquoi attire-t-il autant les investisseurs en 2024 ?

Jamais le bon du Trésor à 10 ans français n’avait autant fait parler de lui. Les investisseurs institutionnels s’y précipitent, mais pas seulement. Depuis deux ans, la dynamique des taux d’intérêt a radicalement changé la donne. Pour la première fois depuis plus de dix ans, ces obligations d’État rivalisent, voire dépassent le niveau de l’inflation. Résultat : le trésor français redevient la pierre angulaire des portefeuilles prudents.

La brusque remontée des taux directeurs en 2022 et 2023 a propulsé les rendements à des niveaux oubliés. Un simple chiffre suffit pour mesurer ce basculement : un bon du Trésor à 10 ans rapporte aujourd’hui près de 3 %. Deux ans plus tôt, il fallait se contenter d’un maigre 0,5 %. La combinaison d’une inflation qui ralentit et de taux élevés change la donne pour les investisseurs : la perspective d’un rendement réel positif redevient possible.

Ce regain d’intérêt concerne aussi les particuliers. Les contrats d’assurance-vie en euros, dont la performance dépend en partie des obligations d’État, voient leurs rendements progresser, comme l’indique France Assureurs. Par ailleurs, la montée en puissance des ETF obligataires, accessibles en bourse sur Euronext, permet d’investir facilement dans ces titres, tout en bénéficiant de frais moindres et d’une grande liquidité.

Face à la volatilité persistante des marchés actions, de nombreux investisseurs cherchent à sécuriser une partie de leur portefeuille. Les arbitrages opérés par les professionnels en témoignent : dès que les taux remontent, le marché obligataire retrouve son statut de refuge.

Obligations ou actions : quelles différences pour l’épargnant ?

Pour un investisseur, choisir entre obligations et actions revient à arbitrer entre deux logiques opposées. D’un côté, l’action fait de vous un copropriétaire d’entreprise, exposé aux variations, parfois brutales, des marchés. De l’autre, l’obligation vous met dans la peau d’un créancier, avec la promesse de recevoir des intérêts réguliers (les fameux coupons) et le remboursement du capital à l’échéance, sauf défaillance de l’émetteur.

La différence saute aux yeux sur le plan du rendement : l’action vise la plus-value et, parfois, le versement de dividendes. L’obligation, elle, offre une rémunération fixée à l’avance, et protège le capital, à condition que l’émetteur ne fasse pas faillite. En cas de coup dur, le détenteur d’obligations passe avant l’actionnaire lors du remboursement. Les porteurs de fonds obligataires ou d’ETF privilégient ainsi la stabilité, là où les investisseurs en actions acceptent la prise de risque pour espérer un meilleur gain.

Sur le marché secondaire, les prix des obligations évoluent en fonction des taux d’intérêt et de la situation financière de l’émetteur. Les obligations d’État sont moins volatiles que les actions ou les obligations d’entreprises, mais certains investisseurs, en quête de rendement, se tournent vers les titres high yield (plus risqués, mieux rémunérés) ou privilégient la sécurité des obligations notées AAA.

En fin de compte, le bon équilibre dépend du rendement recherché, de l’horizon d’investissement et de la capacité à encaisser les fluctuations. Il ne s’agit pas de choisir entre performance et sécurité, mais de trouver la combinaison adaptée à sa situation et à ses objectifs.

obligations financières

L’impact des taux d’intérêt et les perspectives d’investissement obligataire cette année

La hausse des taux d’intérêt a bouleversé le marché obligataire depuis 2022. Pour contenir l’inflation, la Banque centrale européenne et la Fed ont relevé brutalement leurs taux, provoquant une baisse de la valeur des obligations déjà en circulation, mais offrant des rendements inédits sur les nouvelles émissions. Acheter un bon du Trésor à 10 ans redevient attractif, surtout pour ceux qui recherchent stabilité et visibilité à moyen terme.

La performance réelle d’une obligation dépend surtout de la dynamique de l’inflation. Si le reflux des prix se confirme, les porteurs de titres d’État pourraient engranger un rendement net positif. Mais la volatilité reste forte : les écarts de rendement (spreads) entre les obligations les mieux notées (AAA) et le segment high yield persistent, obligeant les investisseurs à choisir entre sérénité et quête de rendement.

Voici les deux tendances majeures qui se dégagent :

  • En France, les obligations d’État, notées AA par S&P, restent très recherchées pour leur liquidité et la profondeur de leur marché, même si la notation fait l’objet d’une surveillance accrue.
  • Outre-Atlantique, les obligations du Trésor américain continuent de jouer leur rôle de valeur refuge, mais leur rendement fluctue au gré des annonces de la Fed.

Pour 2024, la clé réside dans l’anticipation des mouvements de taux. Un changement de cap de la BCE ou de la Fed pourrait inverser la courbe des taux du jour au lendemain. Les investisseurs les plus aguerris misent sur la diversification : un mix d’obligations d’État, d’ETF obligataires, et une sélection minutieuse du high yield pour capter les opportunités sans sacrifier la sécurité.

Dans cette partie d’échecs monétaire, les prochaines décisions des banques centrales tiendront tout le monde en haleine. L’épargnant avisé garde l’œil ouvert, prêt à ajuster ses positions au moindre signal. Reste à savoir qui saura jouer le bon coup.

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